samedi 8 février 2014

Cléon, fils de Sosicratès

(ENDE)

Je voudrais vous présenter aujourd'hui une inscription de Sparte, datant du IIe s. av. notre ère, probablement de l'époque de Trajan. Elle a été mise au jour pour la première fois au XVIIIe s. "près du théâtre" de Sparte par l'érudit français Michel Fourmont (1690-1746), qui voyagea à travers la Grèce à la recherche de manuscrits anciens durant les années 1729-1731 et copia un grand nombre d'inscriptions. (Michel Fourmont est un personnage fascinant sur lequel je reviendrai très certainement bientôt.) Des archéologues britanniques ont redécouvert l'inscription au cours de leurs fouilles "dans une tranchée près du théâtre" (Annual of the British School at Athens, 12, 1906, 478). Voici le texte (IG V1 660) :


          ἁ πόλις
     Κλέωνα Σωσικρά-
     τους ἀγωνισάμενον
4   τὸν ἐπιτάφι[ον Λεωνίδα]
     καὶ Παυσαν[ία καὶ τῶν λοι]-
     πῶν ἡρώω[ν, καὶ στεφα]-
     νωθέντ[α — — — ἕνεκα]
8   καὶ σεμν[ότατος, τὸ ἀνά]-
     λωμα προ[σδεξαμένων —]-
     ωνος το[ῦ — — — — — —]
     καὶ Δαμοκ[ράτους τοῦ — —]-
12 ωνος τῶν [— — —]

"La cité | (honore) Cléon, fils de Sosicra|tès qui a participé | aux jeux funéraires de Léonidas, | Pausanias et les au|tres héros et qui a été couron|né en raison de - - - | et de sa dignité, la dé|pense étant prise en charge par - - - |on le fils de - - - | et Damocratès le fils de - - - |on, ses - - -"

Le texte, inscrit sur un grand bloc de pierre, n'est pas entièrement lisible: la partie droite de la pierre à partir de la quatrième ligne est apparemment endommagée (je n'ai pas vu la pierre personnellement et les archéologues n'en ont donné aucune description). Les mots notés entre crochets droits [ ] ont été perdus et ne peuvent être restitués que dans certaines limites.
Aux lignes 7-8 venait, à côté de la dignité, la mention d'une autre vertu pour laquelle Cléon était loué. Le premier éditeur, August Boeckh, dans son Corpus Inscriptionum Graecum (CIG), I.4, 1828, numéro 1417, restituait ainsi le texte des lignes 7-8: [... καὶ στεφα|νωθέντ[α ἀνδρείας ἕνεκα]|8 καὶ σεμν[ότατος βίου...] "et qui a été couronné en raison de sa vigueur et de la dignité de son mode de vie", reprenant les formules d'une autre inscription de Sparte plus complète (CIG 1426 = IG V1 472). Mais cette inscription honore un jeune homme qui s'est illustré dans un autre cadre (sur lequel il faut voir le livre de N.M. Kennell, The Gymnasium of Virtue: Education and Culture in Ancient Sparta, Chapel Hill, 1995 [c.r.]) et il ne me semble pas certain que les vertus louées chez Cléon comme vainqueur aux jeux en l'honneur de Léonidas soient les mêmes que pour lui. Si le mot σεμνότατος (forme dorienne de σεμνότητος, qu'il ne faut toutefois peut-être pas conserver) est assuré, il me semble aussi que rajouter le mot βίου "(dignité) de son mode de vie" est non seulement inutile, mais aussi trop long. En comparant avec les autres lignes, il semble que l'on aurait avec ce mot plus de lettres que l'espace à combler ne pouvait en contenir.
Dans son édition pour le grand corpus de référence de l'Académie de Berlin, les Inscriptiones Graecae (IG), V.1: Laconia et Messenia, 1913, Walther Kolbe proposait à titre d'hypothèse de reconstituer les noms des lignes 9-12: [Κλέ]ωνος ... Δαμοκ[ράτους τοῦ Δαμί]ωνος (ce dernier d'après IG V1 212 l. 4) et d'y reconnaître les neveux (l. 12 τῶν [ἀδελφιδῶν]) de Cléon. Il y aurait bien d'autres possibilité et, sans savoir quel âge pouvait avoir Cléon au moment où il fut honoré, il me semble aventureux de lui attribuer des neveux.
La restitution du nom de Léonidas à la ligne 4 est quant à elle assurée, grâce à un beau passage de Pausanias que je commenterai dans un prochain billet...

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